http://parisobs.nouvelobs.com/hebdo/parution/p373_2266/articles/a371925-.html
Plaine Commune
Laboratoire du Grand Paris ?
Alors que les esprits s'échauffent, le président de la plus grande intercommunalité d'Ile- de-France, Patrick Braouezec, propose sa vision de la future métropole. Fleurie...
Plaine Commune et ses huit villes est la plus grande intercommunalité de l'Ile-de-France. Faut- il être communiste et pauvre pour pouvoir se marier aujourd'hui ?
Patrick Braouezec Dans la mandature précédente, c'est vrai, six des huit villes avaient des maires communistes. L'initiative est venue de Saint-Denis qui était alors en plein
développement. Nous ne voulions pas grandir en tournant le dos aux diffi cultés des autres : Aubervilliers, Stains, La Cour- neuve, Villetaneuse, Pierrefitte, Epinay et l'Ile-Saint-Denis. Ces
communes avaient plutôt intérêt à adhérer à Plaine Commune et à sa charte d'aménagement élaborée en commun. Ailleurs en Ile-de- France, la plupart des villes ne veulent pas s'allier par crainte
d'avoir à partager leurs richesses. Les in- tercommunalités existantes n'ont souvent qu'une ambition protectionniste - les riches restent entre riches - ou sont à la recherche d'un effet
d'aubaine : ne pas payer la Dotation urbaine de solidarité.
Les 8 villes ont-elles gagné quelque chose dans cette alliance ?
Quand je suis devenu maire de Saint-Denis en 1991, Pierrefitte voulait attirer des entreprises sur son territoire pour bénéfi cier de la taxe professionnelle. Saint-Denis réfl échissait au
développement de son pôle universitaire et Stains voulait faire des opérations de lo- gement. Trois objectifs dont la compatibilité n'était pas évidente. Il y avait des disparités de taxe
professionnelle. Pierrefi tte avait un taux à 30% et Saint-Denis, à 17%. Grâce au principe de la solidarité fi nancière, et à la mise en place d'un taux unique, autour de 20%, chaque ville a pu
adapter ses projets à son territoire. Aujourd'hui, Pierrefi tte va accueillir les Archives nationales et elle ne soucie plus de sa taxe professionnelle puisque Saint-Denis partage ses recettes.
L'interco a aussi multiplié par deux la capacité d'investissement sur l'ensemble des villes, par 1,3 à Saint-Denis mais par 4 ou 5 à Villetaneuse ou Epinay.
Plaine Commune peut- elle ser vir de modèle pour le Grand Paris ?
Je me garderai bien de parler comme ça, je suis vacciné contre les modèles. En revanche, Plaine Commune est un exemple qui pourrait servir de matrice. La future métropole ne doit pas être
l'extension de la capitale aux 29 villes limitrophes ou aux 3 départements de la petite couronne. Cette vision crée de la marginalité en donnant toujours plus de valeur foncière et immobilière au
centre et en rejetant les plus pauvres dans la périphérie.
Je défends l'idée du polycentrisme, c'est-à-dire la création de plusieurs lieux de centralité en Ile-de-France. La Région aurait alors la forme d'une marguerite composée de 7 ou 8 pétales autour
du pôle parisien, tous à égalité. Chaque entité s'occuperait, dans le cadre d'une intercommunalité, de transports, d'aménagement et de développement économique et se constituerait autour d'un
point fort, comme le Stade à Saint-Denis, pour que les habitants puissent s'identifi er à un territoire qui va bien au-delà de leur commune ou leur cité.
Quel serait le périmètre de ces pôles ?
Il va sans dire que rien ne doit se faire sans les maires et les populations. Mais on peut imaginer à l'ouest un pôle autour de la Défense et de Boulogne jusqu'à Versailles; à l'est, Montreuil,
Fonte- nay...; au sud-est, Seine-Amont entre Ivry, Vitry, Orly et Créteil; au sud, un pôle autour de la vallée de la Bièvre, etc. Sans oublier bien sûr le pôle Plaine Commune - Plaine de France
au nord de Paris. Ces 7 ou 8 pétales couvriraient l'ensemble de la banlieue dense, villes nouvelles comprises.
Se poserait alors le problème de la coordination entre les différents pétales de la marguerite...
Notre modèle est confédéral. Les grands choix relatifs aux transports, à l'habitat et à l'emploi relèveraient d'une conférence des présidents d'intercos, qui serait le prolongement de la
conférence métropolitaine de Bertrand Dela- noë. Cette structure s'occuperait aussi de la répartition de la fiscalité, sujet le plus délicat qui ne se réglera pas d'un coup de baguette magique,
quel que soit le scénario choisi.
Comment serait élu le président de cette grande conférence métropolitaine ?
Sûrement pas au suffrage universel, plutôt au suffrage indirect. Mais il ne faut pas se précipiter. Pro- fi tons de 2009 pour permettre à chaque ville d'adhérer à une structure intercommunale. Le
1er janvier 2010, on pourra alors créer cette conférence des présidents qui élira son président.
Cette vision polycentrique ne fait pas l'unanimité...
Ne croyez pas cela : le Schéma directeur de la Région Ile-de-France de Jean-Paul Huchon n'est pas loin du scénario de la marguerite, même s'il doit être affi né et revendiqué. Plusieurs
architectes comme Roland Castro, mais aussi Jean Nouvel... plaident pour la création de nouveaux centres et ont répondu à l'appel d'offres lancé par Nicolas Sarkozy pour le Grand Paris.
Et Christian Blanc, le nouveau secrétaire d'Etat chargé du développement de la Région capitale ?
Il a peut-être des idées, j'espère pas trop arrêtées. J'ai déjà pris contact avec lui. Il ne faut pas être sur la défensive.
Le 15 avril, vous devriez être réélu président de Plaine Commune. La poussée socialiste dans le 93 bouleverse-t-elle les équilibres dans l'interco ?
Aubervilliers et Pierrefitte ont des maires socialistes. Je regrette que le travail de Catherine Hanriot comme celui de Pascal Beaudet n'ait pas été reconnu. Ca ne changera en rien ma façon de
travailler. Dans le respect et la loyauté. Nous avons élaboré ensemble un projet de territoire qu'il faudra faire partager aux nouveaux élus. Par exemple, il est nécessaire de continuer à
construire des logements sociaux tout en diversifi ant l'offre. Je sais que ce sujet fait débat. Il est fondamental de ne pas opposer les populations entre elles. Je rappelle que l'objectif
principal d'une nouvelle organisation métropolitaine doit être de résorber les inégalités spatiales, économiques et sociales.
Paris Obs