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Le blog de Pierre Laporte

Blog politique d'informations et d'échanges d'un élu conseiller départemental et maire-adjoint de Tremblay en France en Seine St Denis. Blog basé sur la démocratie participative. Chantier ouvert sur l'avenir de la Gauche.

Analyse de R Martelli version 2 (corrigée)

Publié le 26 Mars 2008 par pierre laporte

Note sur les élections de mars 2008 et les résultats du PCF
(Version 2) Cette note est faite à partir des éléments disponibles le 24 mars 2008, en l’absence de synthèses détaillées du ministère de l’Intérieur. Elle s’attache à l’analyse des municipales, puis des cantonales, pour se terminer par quelques réflexions générales. I. Les municipales 1. L’abstention record Alors que la présidentielle de 2007 avait été marquée par un record de participation, les municipales de mars 2008 ont enregistré un nouveau record d’abstention.
1er tour
2ème tour
1965
21,8
29,2
1971
24,8
26,4
1977
21,2
22,4
1983
21,6
20,3
1989
26,9
26,9
1995
32,0
32,0
2001
29,9
30,8
2008
33,5
34,5
L’abstention est d’autant plus forte que la commune est plus peuplée (son taux est de 39,5 % dans les communes de plus de 3 500 habitants contre 24,5 % dans les autres). Dans les villes dirigées par le PCF, elle est nettement plus élevée (46,2 %), au-dessus même de 50 % dans 15 villes (sur 32 villes de plus de 3500 habitants dans ce cas), pour la plupart dans la Région parisienne. 2. La poussée de la gauche La démobilisation civique a desservi la droite plus que la gauche. Les municipales de mars 2008 ont été les plus favorables à la gauche depuis 1977. Elles sont les premières, depuis 1995, à se dérouler alors que la droite détient l’ensemble des pouvoirs exécutifs nationaux, concentrant sur elle tous les mécontentements. Elles sont l’équivalent, pour la gauche, de ce qu’avaient été les élections de 1983 pour la droite. Le rapport des forces droite-gauche aux municipales (villes de plus de 3500 habitants)
Gauche
Droite
1983
1er tour
45,4
53,6
2ème tour
47,2
52,7
1989
1er tour
47,4
51,2
2ème tour
45,9
51,6
1995
1er tour
44,3
53,6
2ème tour
41,6
57,3
2001
1er tour
47,0
52,2
2ème tour
45,8
52,0
2008
1er tour
47,4
49,2
45,4 *
2ème tour
49,5
49,9
47,8 *
* Droite sans le Modem
2
Pour la droite française, moins un an après son triomphe de 2008, c’est le plus mauvais résultat depuis trente ans. Quel est le rapport des forces internes à chaque grand regroupement à l’issue du premier tour ? Villes de plus de 3500 habitants (1)
Voix
% exprimés
PCF
772 606
5,1
PS
4 222 711
28,1
Divers gauche
1 647 288
11,0
Verts
217 734
1,4
Extrême gauche
262 416
1,7
Centre-Modem
848 895
5,7
UMP
3 743 060
24,9
Divers droite
2 903 907
19,3
Extrême droite
166 967
1,1
Divers
147 467
1,0
Total gauche
7 122 755
47,4
Total droite (avec Modem)
7 384 798
49,2
Total droite (sans Modem)
6 813 934
45,4
(1) On totalise le pourcentage des listes où une sensibilité est en position dirigeante, seule ou en situation d’alliance 3. La victoire du PS Le Parti socialiste est le grand bénéficiaire de cette élection. Il regroupe quelque 28 % des suffrages exprimés sur les listes qu’il conduisait, seul ou en alliance. Il avait perdu 42 villes de plus de 20 000 habitants en 2001 ; il en gagne 55 cette fois-ci. En 2001, les victoires de Paris et de Lyon étaient apparues comme à contre-courant de la « vague bleue ». Cette fois, la conquête des plus grandes villes (sauf Marseille et Bordeaux), cohérente avec les scores de Ségolène Royal en 2007, se complète d’une implantation accrue dans les villes grandes et moyennes. Dans la « petite couronne », le PS ne réussit sans doute pas la grande percée qu’il escomptait, au détriment de son ex-allié communiste de la « gauche plurielle », mais il marque des points non négligeables (outre Aubervilliers et Pierrefitte, Argenteuil, Poissy, Colombes, Asnières, Noisy-le-Sec, Aulnay). 4. Les résultats satisfaisants de l’extrême gauche Les Verts ne réalisent pas (en dehors de Dominique Voynet à Montreuil) l’excellente prestation qui fut la leur aux municipales de 1989 (où ils avaient obtenu 4,5 % des suffrages exprimés dans les villes de plus de 30 000 habitants). Dans une moindre mesure, en 2008, c’est l’extrême gauche qui tire les marrons du feu. L’analyse globale, de ce côté-là, est malaisée, les statistiques officielles mêlant, dans la rubrique « extrême gauche », des cas de figure très variés. On y trouve des villes où de véritables rassemblements à la gauche du PS ont pu se constituer, incluant le PCF, comme à Allauch (18,9%), Mantes-la-Ville (17,5%), Gap (11,7%) ou Cavaillon (11,2%). On y trouve aussi des listes dirigées par LO ou la LCR et, de façon marginale, quelques collectifs séparés, comme à Paris. Les globalisations donnent les résultats suivants (le tableau ci-après donne, pour chaque regroupement, le nombre de villes où des listes étaient présentes, le pourcentage réalisé sur ces villes, le pourcentage national et les commues de plus de 3 500 habitants où le pourcentage est supérieur à 10 %)
LO
EXG
LCR
Nombre de villes
71
Nombre de villes
158
Nombre de villes
73
Total %
3,1
Total %
3,6
Total %
4,4
Total national
0,3
Total national
0,8
Total national
0,6
Au-dessus de 10 %
QUETIGNY
11,6
CHANCEAUX-SUR-CHOISILLE
20,1
AUREILHAN
17,6
ENSISHEIM
11,4
CLAMECY
19,5
QUIMPERLE
15,3
FERRIERE-LA-GDE
11,1
ALLAUCH
18,9
CLERMONT-FERRAND
13,8
ECKBOLSHEIM
18,6
MONSEMPRON
12,0
MANTES-LA-VILLE
17,5
LORMONT
10,4
SOTTEVILLE-LES-ROUEN
14,6
SAINT-LOUBES
13,3
LYON 1
13,1
MONTATAIRE
13,1
3
ST-GELIX-DU-FESC
13,0
BELLAC
12,4
CONCARNEAU
11,8
GAP
11,7
CAVAILLON
11,5
PLAISANCE
10,9
PALAISEAU
10,8
LONGUEAU
10,8
STAINS
10,5
LOUVIERS
10,4
FONDETTES
10,2
REZE
10,0
Il est à noter que les villes dirigées par le PCF ne sont pas à l’écart de cette poussée de l’extrême gauche. Les villes à direction communiste ne sont pas à l’écart de cette poussée de l’extrême gauche.
MONTATAIRE
13,1
ST-PIERRE-DES-CORPS
11,5
ST OUEN
9,8
CHOISY-LE-ROI
9,4
La LCR se réjouit de cette situation, d’autant plus que, cette fois, LO avait fait le choix fréquent de rallier les listes unitaires de l’ensemble de la gauche. Si les amis d’Olivier Besancenot peuvent être satisfaits, il n’en reste pas moins qu’ils ne sont guère allé au-delà de leurs score national sur leurs propres listes.
Nombre de listes
LO
LCR
Listes unitaires
Au-dessus de 10%
3
5
21
Entre 5% et 10%
18
26
49
4. Le score du PCF Après l’amère déconvenue de la présidentielle et le nouveau recul des législatives de 2008, le résultat des municipales a été considéré comme inespéré, par les observateurs comme par les militants. Quel est le bilan réel de cette consultation électorale ? Les listes d’union de la gauche conduites par un communiste et les listes classées PC étaient présentes dans 355 communes de plus de 3 500 habitants. Elles totalisent 784 000 voix, dont 570 000 (72 % du total de ces voix) dans les 202 villes maintenues, acquises ou perdues entre 2001 et 2008. Nationalement, cela représente 5,1 % du total des suffrages exprimés et 31,9 % dans les 355 communes où le PC est à la tête d’une liste. Le bilan des villes est le suivant :
Villes dirigées par un communiste
1989
2001
2008
Plus de 30 000
39
29
27
De 20 à 30 000
16
9
7
De 10 à 20 000
55
46
42
De 3500 à 10 000
148
105
100
Total + de 3 500
258
183*/189**
177
* 183 villes à direction communiste ont été recensées avant le scrutin **Chiffres rendus publics par la Commission « Élections » du PCF, le 30 mars 2001
Le PCF gère aujourd’hui un ensemble de communes de plus de 3 5000 habitants qui totalisaient 2 720 000 d’habitants au recensement de 1999, soit 4,5 % de la population française de l’époque. Ces communes sont réparties dans 46 départements.
4
Département
Villes perdues
Département
Villes gagnées
3
DOMERAT
13
ROQUEVAIRE
13
MARSEILLE 8
13
PORT-ST-LOUIS
22
ROSTRENEN
18
VIERZON
33
SAINTE-EULALIE
18
SAINT-FLORENT
34
VILLENEUVE-MAGUELONNE
26
PORTES-LES-VALENCE
38
VIZILLE
30
ARAMON
38
PONT-DE-CLAIX
39
SAINT-CLAUDE
44
SAINT-JOACHIM
42
UNIEUX
56
RIANTEC
42
FIRMINY
59
AVESNES-LES-AUBERT
54
VILLERUPT
59
BOUCHAIN
56
QUEVEN
59
DENAIN
59
MARLY
60
MOUY
59
FOURMIES
60
ST-LEU-ESSERENT
63
AUBIERE
62
CALAIS
76
DIEPPE
62
HARNES
77
ROISSY-EN-BRIE
63
COURPIERE
83
BRIGNOLES
76
BOLBEC
89
MIGENNES
76
MAROMME
93
VILLEPINTE
77
BROU-CHANTEREINE
94
VILLENEUVE-ST-GEORGES
77
NANGIS
80
FRIVILLE
83
CUERS
93
PIERREFITTE
93
AUBERVILLIERS
93
MONTREUIL
Population totale (RP 1999)
506 960 *
Population totale (RP 1999)
294 967
* dont 92 100 pour le 8e secteur de Marseille En nombre d’habitants administrés comme en nombre de villes, les gains (20) ne compensent pas les pertes (26). Le recul enregistré par le PCF est donc moindre que ceux que lui avaient apportés les précédentes consultations depuis 1983. Mais il n’est pas pour autant enrayé. Selon les chiffres retenus, il se situe entre 6 et 12 villes de plus de 3 500 habitants. Surtout, dans ces élections de nette poussée à gauche, il contraste avec la moisson du PS. Le tableau suivant illustre cet écart :
Villes de plus de 20 000 habitants
2001
2008
dont : gagnées
Nombre de départements
Parti socialiste
117
168
55
73
Parti communiste
37
35
3
6
% PC/PS
30 %
20 %
La satisfaction enregistrée au soir du premier tour tenait avant tout au gain de quelques villes (Dieppe, Vierzon) et, surtout, au fait que le bras-de-fer imposé par le PS dans de nombreuses villes, notamment de la petite couronne parisienne, ne s’était pas conclu comme l’espéraient bien des responsables de la rue de Solferino. De fait, après quelques mois d’un pouvoir de droite arrogant et sarkozysé, les socialistes ont oublié que l’électorat faisait primer l’intérêt général de la gauche sur les intérêts boutiquiers de telle ou telle de ses composantes. Or, dans des villes où les élus communistes font souvent preuve de leur compétence, le maire sortant de gauche ne pouvait qu’apparaître comme le mieux placé pour battre la droite. Les concurrents socialistes des équipes sortantes en ont fait la très amère expérience, hormis quelques cas (Denain, Pierrefitte…).
Ce n’est pas pour autant que les communistes peuvent se sentir durablement rassurés : parce que les scores socialistes n’ont pas été partout ridicules dans les cas de primaires ; parce que, grosso modo, si les « dissidents » socialistes maintenus au second tour ont très rarement réussi leur pari (sauf à Aubervilliers), ils n’ont pas été désavoués et progressent sur leur résultat du tour précédent. Les mésaventures enregistrées de-ci de-là rappellent le précédent de Bègles et d’Alès en 1989 : là, des équipes municipales solidement implantées avaient fait les frais d’une surmobilisation relative des électorats concurrents, de gauche et de droite, stimulés par l’objectif de mettre fin à l’hégémonie communiste locale. Les communistes ont bénéficié cette fois de la
5
conjoncture anti-droite exceptionnelle produite par le sarkozysme. Qui peut jurer qu’il en sera toujours ainsi ? La conjonction de la crise politique (illustrée par l’abstention) et l’incrustation du bipartisme (voir plus loin) peuvent être redoutables à l’avenir. II. Les cantonales Les cantonales permettent, mieux que les municipales, de cerner l’état du rapport des forces politique, à l’intérieur de chaque grand regroupement. En série longue, sur cette série de cantons, les chiffres globaux sont les suivants : % exprimés
1970
1976
1982
1988
1994 2001 2008 Différence 2008-2001
Ext Gauche
3,1
0,7
0,6
0,4
0,6 0,7 0,4 -0,3
PCF
23,8
22,8
15,9
13,3
11,4 9,8 8,8 -1,1
PS
14,8
26,6
29,9
30,2
22,6 22,4 26,7 4,3
Radicaux de gauche
2,4
1,7
1,2 1,3 1,4 0,1
Div Gauche
10,5
4,0
1,6
3,8
5,0 6,2 6,7 0,5
Ecolo
0,4
1,6
3,6 6,6 4,5 -2,1
Centre- UDF
14,3
20,3
18,8
19,4
15,5 12,3 4,4 -7,9
Gaullistes- RPR
15,6
10,6
17,9
15,9
15,6 12,5 23,6 11,1
Div Droite
17,8
12,5
13,0
9,5
13,5 17,0 17,1 0,1
FN
5,5
9,9 10,2 5,1 -5,1
Divers
0,9 1,1 1,4 0,3
Total PC-EXT GAU- VERTS
26,9
23,5
16,9
15,3
15,6 17,1 13,6 -3,4
PS
14,8
26,6
29,9
30,2
22,6 22,4 26,7 4,3
Total GAUCHE
52,2
56,5
50,1
49,3
44,4 47,0 48,5 1,5
Total DROITE
47,7
43,4
49,7
50,3
54,5 51,9 50,3 -1,6
Rapport PC/PS ( %)
161
86
53
44
50
44
33
Rapport Gauche non soc/PS ( %)
182
88
57
51
69
76
51
Sièges
1970
1976
1982
1988
1994 2001 2008 Différence 2008-2001
Ext Gauche
22
4
1
16
16 1 1
PCF
144
242
191
165
142 128 118 -10
PS
263
513
504
515
526 494 663 169
Radicaux de gauche
84
61
41
41 40 59 19
Div Gauche
292
54
41
142
96 176 185 9
Ecolo
3
3 15 12 -3
Centre- UDF
293
347
460
453
389 231 47 -184
Gaullistes- RPR
206
172
323
369
353 338 500 162
Div Droite
389
350
364
330
358 568 426 -142
FN
2
4 0
Divers
7 7 0
Total PC-EXT GAU- VERTS
166
246
192
184
161 143 131 -12
PS
263
513
504
515
526 494 663 169
Total GAUCHE
721
897
798
882
824 853 1038 185
DROITE
888
869
1147
1154
1104 1137 973 -164 PS+UDR, RPR ou UMP 469 685 827 884 879 832 1163
% des sièges 29,1 38,8 42,5 43,4 45,6 41,8 57,8
Rapport PC/PS ( %)
55
47
38
32
27
26
18
Rapport Gauche non soc/PS ( %)
63
48
38
36
31
29
20
1. La victoire de la gauche confirmée aux cantonales
C’est le meilleur résultat cantonal de la gauche depuis 1988, mais loin encore des scores fastes des années 1970. Avec 48,5 %, le total gauche progresse de 1,5 %, alors que la droite recule de 1,6 %. Cette progression de la gauche est due pour l’essentiel à
6
celle du PS, qui gagne 4,3 % sur 2001, tandis que le total du PCF, de l’extrême gauche et des Verts fléchit de 3,4 %. En nombre de conseillers généraux, la droite perd 164 sièges, ce qui fait basculer l’équilibre des conseils généraux métropolitains. Le PS récupère les sièges de la droite (+ 168), gagne 9 départements et n’en perd aucun. Le PCF perd la Seine-Saint-Denis mais récupère l’Allier (où il est avec égalité avec les socialistes et divers gauche). 2. Les résultats du PCF En 2008, le PCF présentait 1163 candidatures contre 1639 en 2001 (30 % en moins). Son bilan tient à quatre chiffres :
 Nationalement, il perd 1,1 % au premier tour en passant de 9,8 % à 8,8 % ; au second tour, ses candidat(e)s font 5,8 % contre 7,4 % en 2001 (- 1,6 %)
 Si l’on prend en compte le seulrésultat de l’ensemble des cantons où le PC est présent, il gagne 1,1 % en passant de 11,1 % à 12,3 %
 Si l’on compare ses scores dans les 1163 cantons où il est présent à la fois en 2001 et 2008, il gagne 0,3 % en passant de 12,1 à 12,4
 Il perd 10 sièges de conseillers généraux, en passant de 128 à 118
La tentation est grande de ne retenir que les chiffres favorables. Ils ne sont pas à négliger ; il ne sont pas à surestimer. Ils traduisent pour une part la poussée de la gauche : dans les cantons où il se présente (le même nombre que le PCF), le PS gagne 6,3 % entre 2001 et 2008 (il passe de 29 % à 35,2 %) et l’extrême gauche gagne 1,2 % (en passant de 5,3 % à 6,5 %). Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’il s’agit cette fois de la meilleure série cantonale pour le PCF, celle où il apparaît le plus souvent comme la force la plus utile, à gauche, pour battre la droite. Le tableau ci-après montre les écarts du vote communiste, depuis 1970, entre la série A et la série B :
B
A
B
A
B
A
B
A
B
A
B
A
1970
1973
1976
1979
1982
1985
1988
1992
1994
1998
2001
2004
23,8
22,7
22,8
22,5
15,9
12,5
13,3
9,5
11,4
10,1
9,8
7,6
+ 1,1
+ 0,3
+ 3,4
+ 3,8
+ 1,3
+ 2,2
Enfin, il est difficile de négliger la signification du recul du nombre de candidatures. Il traduit un délitement de la couverture nationale des communistes et un resserrement sur leurs zones de force. Si l’objectif est d’obtenir le meilleur résultat possible dans un nombre réduit de cantons, pourquoi ne pas réduire encore le nombre de candidatures, comme l’extrême gauche (0,4 % nationalement, 6,5 % dans les 105 cantons où elle est présente) ? Au fond, si le PCF s’était concentré sur ses 500 meilleurs cantons, il aurait obtenu un score de… 24,2 % ! En vérité, le tableau rétrospectif indique ce qui est la seule tendance dominante nationale assurée : dans cette série de cantons, le PCF n’a cessé de reculer, en pourcentages depuis 1970 et en sièges depuis 1976. Le résultat de 2008, s’il apparaît bon en comparaison du résultat de la présidentielle, ne contredit pas la tendance des scrutins précédents, dans un contexte exceptionnellement favorable à la gauche. Le déclin est atténué ; il n’est pas interrompu.
7
III. Réflexions générales 1. La montée du bipartisme Dans l’ensemble, les municipales et les cantonales ont accentué le phénomène de bipolarisation partisane amorcé depuis deux décennies. À droite, le Modem a perturbé la mobilisation de droite, mais n’a pas réussi son pari d’implantation et s’est même affaibli territorialement. À gauche, les listes d’extrême gauche ont fait ponctuellement de bons résultats mais, globalement, la gauche de gauche ne dépasse pas le seuil exceptionnellement bas enregistré en 2007. À gauche, le PS est un peu plus hégémonique ; à droite, l’UMP récupère les dépouilles du centre. Au total, le duopole PS-UMP structure le paysage. Le constat est vrai à la fois aux municipales et aux cantonales. À gauche, le rapport entre le nombre de villes dirigées par les communistes et celui des villes socialistes s’est accentué considérablement. En 2001, le PS dirigeait 117 villes de plus de 20 000 habitants et le PCF 36, soit 30 % du contingent socialiste ; en 2008, les chiffres sont passés respectivement à 34 et 168, soit pour le PC 20 % seulement du contingent socialiste. Dans un article de La Tribune du 21 mars 2008, le politologue Gérard Grunberg complète le tableau pour les 627 communes de plus de 15 000 habitants :
UMP
DVD
Nouveau Centre
Modem
PS
PC
DVG
Verts
209
37
11
15
250
47
32
4
Le PS et l’UMP contrôlent à eux seuls 459 villes, soit près de 75 % du total de cette série de communes. Les résultats des cantonales vont exactement dans la même direction. En pourcentages, les deux seules forces à progresser sensiblement sont le PS et l’UMP : toutes deux disposent de 1 163 sièges de conseillers généraux, soit près de 60 % du total, contre un peu plus de 40 % en 2001. Le PS représente à lui seul deux fois les scores de toutes les autres formations de gauche, tandis que l’UMP écrase le vieux centre qu’elle réduit à la portion congrue. En sièges, le phénomène est encore accentué : en 2008, le PS engrange 663 sièges de conseillers généraux contre 131 pour le total du PC, de l’extrême gauche et des Verts. La part de la gauche non socialiste n’a cessé de diminuer depuis trente ans : en 1976, la représentation PC-EXT GAU-VERTS était de 48 % de celle du PS ; elle est de 20 % en 2008. La dispersion des forces, dans cette portion de l’espace à gauche, ne peut que reproduire cette situation négative. 2. Deux partis sinon rien ? Le bipartisme est désormais solidement implanté et l’échec de François Bayrou, après celui de la candidature antilibérale, montre qu’il n’est pas facile d’en briser la dynamique. Il est pourtant indispensable de s’attacher à le faire. Si la logique bipartisane s’installe, il n’y a plus à gauche que deux attitudes possibles : soit accepter d’être le supplétif de la force dominante pour ramasser les miettes du gâteau ; soit s’installer dans un rôle de contestation à la marge, ce qui revient plus ou moins à accepter le déséquilibre institué. Le bipartisme nourrit les « deux gauches » (comme les décrit la LCR), et en pérennise le déséquilibre structurel. Ajoutons ce qui relève du rapport des forces général : les élections municipales et cantonales ont été favorables à la gauche, sur fond de désengagement civique. Il ne faut pas s’émerveiller à outrance de cet état de fait, qui n’est pas sans fragilité. Car, si le mode de scrutin amplifie les effets en sièges des déplacements de voix, le rapport des forces droite-gauche n’a pas été à ce point bouleversé. Si la gauche prospère, c’est d’abord parce que la droite désespère. Le Modem n’a certes pas réussi son opération et s’il ne compte pas autant que le Front national dans les années 1980-1990, il n’en constitue pas moins une force de perturbation au sein de la droite française. La question du centre et de son évolution continuera donc d’occuper les esprits, comme elle le fait à gauche depuis la « Lettre aux Français » de François Mitterrand en 1988. Peut-être le PS va-t-il être rendu prudent par la déconvenue de François Bayrou et les 9-10 % du PC et de l’extrême gauche, mais la recherche d’un élargissement de ses bases majoritaires vers la droite ne disparaîtra pas de la scène politique, tout au moins si la composante la plus à gauche ne dépasse pas les 10 % des suffrages. Ce qui change est que, à l’issue de la récente séquence électorale, les socialistes vont se poser la question des rassemblements en étant eux-mêmes nettement renforcés. Savoir comment briser la logique lourde du bipartisme devient ainsi un enjeu cardinal. Se demander, à droite ou à gauche, qui va être le premier des « petits » a un côté quelque peu dérisoire. À quoi bon être le troisième, dans un système ne comportant que deux partis ? Le dilemme est donc clair :
 ou bien une gauche critique de transformation sociale met en synergie un ensemble suffisant de forces, collectives et individuelles, pour contester l’hégémonie à gauche d’une social-démocratie recentrée
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 ou bien le PCF est contraint d’osciller entre rôle d’appoint et contestation marginale, coincé entre un PS archi-dominant et une extrême gauche identifiée à la radicalité.
3. Réflexions sur le PCF Une élection ne chasse pas l’autre ; un certain tassement du recul n’implique pas la fin de la récession électorale. En tendance longue, le PCF n’a pas interrompu le long trend électoral du déclin. En fait, le communisme français se trouve confronté à une surprenante inversion de tendance installée sur une trentaine d’années. Pendant les années 1950-1960, le PCF dispose d’une très forte implantation nationale et d’une représentation territoriale restreinte : son isolement politique l’écarte largement des conseils généraux et le communisme municipal, puissant et original, n’en est pas moins territorialement limité. La stratégie de l’union de la gauche, voulue au départ par le PCF contre la volonté des socialistes, permet aux communistes de conforter leur ancrage local : leur nombre de conseillers généraux augmente de 1964 à 1976, leur implantation municipale atteint son apogée en 1977 et leur insertion dans les nouvelles structures régionales s’épanouit dans la décennie 1990. Mais cette insertion locale, dans la foulée de l’union de la gauche, se produit au moment où s’amorce le déclin politique national. On assiste depuis à un long et préoccupant mouvement de dénationalisation du vote communiste, dans tous les types de scrutin. Les élections de mars 2008 n’auront fait qu’accentuer le phénomène, sur le plan municipal comme sur le plan cantonal. Le maintien d’une insertion locale est une chance et le signe de ce que l’on sait depuis longtemps : en France, l’implantation du communisme politique n’est pas une greffe artificielle. Mais si l’ancrage local est un atout il est loin de suffire, comme le montre la persistance, confortée en 2008, des radicaux de gauche qui gagnent 19 conseillers généraux supplémentaires. Disposer d’élus au service de la population est une ambition qui doit être préservée ; pour le communisme, depuis l’origine, elle ne vaut que si elle s’accompagne d’une capacité à peser nationalement sur le cours des choses. Or cette capacité est durement affectée dans un système de plus en plus bipartisan. Le communisme reste une force : à quoi va-t-elle servir ? À maintenir des lambeaux d’ancrage local, dans une position nationale subalterne, ou à contribuer à l’émergence d’une force politique transformatrice, à gauche de l’espace politique français ? Je suis pour ma part convaincu que la séquence électorale de 2008 confirme l’enjeu existentiel du communisme politique. Sur la lancée de l’existant, le PCF ne peut espérer remettre en cause l’hégémonie écrasante du PS, ni retrouver une dynamique électorale qui le rapprocherait de sa force d’antan. Ou bien persiste la logique de l’ancienne « union de la gauche », qui conforte le socialisme français et lui laisse les mains libres pour des recompositions politiques à droite ; ou bien s’impose une dynamique alternative, à vocation majoritaire, adaptée dans ses formes et ses contenus à l’exigence de subversion de l’ordre libéral-capitaliste. Le choix du second terme – le seul réaliste à mes yeux – implique de la rupture plus que de la continuité. L’avenir du communisme politique – car il y en a un, plus nécessaire que jamais – est au prix de cette rupture. Hors d’elle, nous renoncerions à ce qui a été la raison d’être et l’originalité du communisme français au XXe siècle : combiner la radicalité critique du projet et la force des rassemblements immédiats. Certains expliquent que la sociologie invalide l’essor d’un communisme politique, voire même de toute radicalité. La transformation des grandes métropoles urbaines, et notamment des ceintures proches du centre, vouerait la ville moderne au « réalisme » d’une gauche d’adaptation. Je n’en crois rien. La combinaison d’un renouvellement des pratiques municipales et d’une audace maximale dans l’invention de formes inédites de regroupement à gauche permettrait d’écarter l’idée d’une coïncidence magique entre évolution sociologique et hégémonie d’un socialisme « modernisé ». Les bons résultats, dans des espaces urbains fortement bouleversés, comme à Corbeil, à Fontenay-sous-Bois, sur le territoire de Plaine-Commune ou ailleurs encore, suggèrent que la fatalité n’existe pas. Mais le renouveau n’attend pas
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