Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Pierre Laporte

Blog politique d'informations et d'échanges d'un élu conseiller départemental et maire-adjoint de Tremblay en France en Seine St Denis. Blog basé sur la démocratie participative. Chantier ouvert sur l'avenir de la Gauche.

Mon intervention sur le Schéma de Prévention et Protection de l'Enfance. Seance du Conseil départemental du 18 avril 2019.

Publié le 18 Avril 2019 par Pierre Laporte

Monsieur le Président,

Cher.e.s collègues,

 

Nous n'avons pas  de désaccord majeur sur le contenu des orientations proposées.

Par contre nous avons un désaccord de fond sur deux dimensions de ce schéma .

D’une part, les orientations proposées ne sont pas étayées des moyens nécessaires, humains et financiers, nécessaires pour le mettre en oeuvre.

D’autre part, de nombreux partenaires ont été associés, néanmoins, la responsabilité et les moyens de plusieurs partenaires, au premier rang desquels l’État, ne sont pas engagés.  Il est de ce point de vue regrettable que ce schéma n’aille pas plus loin qu’un « consensus sur les orientations » pour présenter des engagements sur des objectifs et sur des moyens permettant de décliner de manière opérationnelle celui-ci.

 

Constatant ce gap entre les objectifs annoncés et l’absence de moyens, nous avons donc, très tôt, proposé au Président que cette séance soit l’occasion d’un premier échange sur des orientations et que les Etats Généraux, que nous avions réclamés, soient l’occasion d’aboutir à un Schéma co-porté et co-piloté par les partenaires (Services de l’État, Associations, Personnels départementaux, usagers, …)  du Département.

 

Pour une raison qui nous échappe, cette proposition qui nous semble de bon sens n’a pas été retenue …

Vous nous avez répondu que ce schéma ne pouvait être comparé au schéma autonomie pourtant que ce soit celui de nos voisins val de marnais, ou celui des amis girondins de nos camarades socialistes qui sont co-élaborés et co-portés, décrivent  les moyens nécessaires.

 

Dressons dans les grandes lignes l’état des lieux.

 

Il y a en Seine-Saint-Denis 1,3 place pour 1000 enfants quand la moyenne nationale est de 4/1000. C' est aussi le marqueur de la discrimination que subi notre département.

 

Le rapport Kokouendo/ Cornut-Gentille soulignait il y a un an la faillite d’un Etat « inégalitaire et inadapté ». On l’a encore vu ces derniers jours avec la mise en avant du manque de moyens de l’école en Seine-Saint-Denis.

Ici, c’est 1 médecin scolaire pour 12 000 élèves.

Alors que médecins, psycholoques, infirmiers et assistants sociaux scolaires sont des maillons essentiels de la chaine de prévention au service de l’enfance, ils sont en sous-effectif structurel.

 

- La Seine-Saint-Denis, c’est 80% de mesures judiciaires de placement d’enfants sans qu’on soit intervenu avant auprès des familles.

Faute de moyens dans les tribunaux, dans le secteur associatif et au Département pour en assurer la mise en œuvre, plus de 900 mesures, qui représentent 900 familles, sont en attente…

 

- Alors que 30 à 40% des jeunes à la rue ont connu un passage par l’ASE, tout le monde s’accorde pour faire reculer les sorties sèches, mais en Seine-Saint-Denis, les jeunes suivis sont trop souvent découragés de poursuivre des études.

Cela participe de la discrimination dont est victime la Seine-Saint-Denis, alors qu’un jeune suivi à Paris aura davantage de chance de poursuivre son projet personnel et professionnel.

 

- En Seine-Saint-Denis, le manque de places dans les hôpitaux conduit les sages-femmes de la PMI départementale à absorber la charge, alors que les personnels des PMI sont en nombre insuffisant au regard de la vitalité de la natalité dans le département.

Le nombre de visites à domicile auprès des enfants, des femmes enceintes, des assistants maternels est en chute libre depuis plusieurs années. Et ici aussi, le public se montre de plus en plus agressif.

 

- Depuis des années, les budgets consacrés à la prévention spécialisée sont en baisse, y compris de la part du Département, -11 million d'Euros en 2 ans. Nous avons eu à deux reprises, lors des votes du budget primitif, l’occasion de dénoncer ce choix budgétaire.

Les éducateurs sont en nombre insuffisant, les moyens des associations contraignent à différer des recrutements, à rogner sur la formation continue des personnels. Certaines associations se sont posé la question de mettre la clé sous la porte.

Et, ce n’est pas une surprise maintenant que les budgets sont votés, les villes ne compensent pas la baisse de subvention départementale, contrairement à ce qui a été annoncé ici.

 

- Après une période où tous les recrutements ont été bloqués, nos interventions sur le personnel départemental en 2017 ont permis de pourvoir des postes dans des services identifiés comme prioritaires.

Mais le secteur social souffre d’une crise des vocations et il est de plus en difficile de recruter des éducateurs, des puéricultrices, des travailleurs sociaux, des médecins, …

Pour composer une nouvelle équipe, il faut en dégarnir une autre, comme cela été le cas avec Epinay pour créer la CAMNA. Sous-dotée, mal équipée, celle-ci vient de déposer un préavis de grève …

Quant aux agents qui souhaiteraient suivre une formation pour évoluer ou changer de poste, ils quittent le Département puisqu’ils ne sont plus payés durant leur formation. Cette situation est connue en PMI, je commence à voir ce cas au sein du service social, alors même que nos recrutements externes sont très souvent infructueux.

 

- A ce contexte de recul du service public de l’enfance, il faut ajouter un phénomène qui a accentué la crise la protection de l’enfance et bouleversé les cadres de travail.

Notre Département est marqué par un afflux croissant de Mineurs Non Accompagnés.

Plus de 1420 ont été pris en charge en 2018 par nos services, soit environ le tiers des prises en charge à l’ASE.

C’est un bouleversement considérable de la façon de prendre en charge les enfants.

 

Sur le plan financier, c’est une nouvelle injustice pour notre Département puisque la majorité du financement de cette prise en charge, qui incombe à l’Etat, est assumé par notre collectivité.

Il absorbera ainsi la quasi-totalité des 20M€ qui sont ajoutés au budget de l’ASE.

En réalité, les dépenses totales de l’ASE ont été de 291M€ en 2018, soit 18M€ de plus que ce qui est budgété pour 2019. Le budget n’est donc pas en hausse.

 

Nous souhaitons formuler des propositions

 

Proposition 1

Hors MNA, la principale réponse du Département au manque de places est le développement de l'accueil familial par le recrutement de 60 Assistantes Familiales /an à partir de 2020, qui doit compenser la baisse du nombre d'assistantes familiales enregistrée ces dernières années.

Les Assistantes familiales se plaignent du peu de reconnaissance de l’institution ; leur rémunération n’est pas attractive et elles doivent régulièrement débourser des frais faute de paiement de tiers ou de prestataires par le Département ; le Bureau des Assistantes Familiales connait un turn over régulier qui a pour conséquence des erreurs très dommageables, par exemple lors du passage à l’impôt à la source …

 

Nous proposons que les années 2019 et 2020 soient consacrées à l'évaluation de l'action du Bureau des Assistantes Familiales afin de dégager des pistes de travail qui devront permettre de renforcer son appui aux assistantes familiales dans l’exercice de leurs missions éducatives.

Dans cet objectif, nous estimons que les questions RH et financièresdoivent sortir de l’ASE pour revenir aux directions support qui en ont l’expertise.

Nous proposons que cette évaluation soit la première étape du protocole annoncé, dont nous demandons qu'il soit travaillé avec les Assistantes Familiales.

 

Proposition 2

Afin d'améliorer l'attractivité du département nous proposons de revaloriser la rémunération des Assistantes Familiales dès le temps de formation.

 

Proposition 3

Le taux de judiciarisation des décisions est anormalement élevé en Seine-Saint-Denis.De même, les délais de traitement des Informations Préoccupantes se sont allongés.

Nous demandons d'ici la fin 2019 l'établissement d'un protocole d'objectifs et de moyens avec la Justice et l'Education Nationale afin de réduire tant les délits de traitement que le taux de mesures judiciaires.

 

Proposition 4

Le système de prévention souffre d'une baisse constante de moyens quand ce n'est pas de quasi abandon dans certains secteurs

Afin d'y faire face, nous demandons la consolidation des moyens financiers octroyés par le Département aux associations, qui représentent 85% des mesures, afin de permettre les recrutements d’éducateurs nécessaires.

 

Proposition 5

Toujours dans cet objectif de refonder la prévention et au regard de son rôle essentiel dans la protection de l’Enfance, nous demandons que soit établi un protocole d'objectifs et de moyens avec l'Education nationale concernant la présence de médecins scolaires, d’infirmières et d’assistantes sociales dans les établissements.

 

Proposition 6

Nous demandons la consolidation des moyens des PMI. Les postes vacants doivent être pourvus et les équipes en nombre suffisant pour mieux répartir la charge de travail des puéricultrices et accroitre le nombre des visites à domicile dont le volume est très en deçà de ce qui pouvait se faire il y a quelques années.

 

Nous demandons le renforcement de la coopération entre la santé scolaire et la PMI de même que le soutien à la fonction parentale, au travers de l’action en direction des femmes enceintes, avec les écoles maternelles, les crèches, …

 

Proposition 7

Les difficultés à recruter des éducateurs spécialisés doivent nous amener à réfléchir aux moyens d'attirer des candidats.

Nous proposons de permettre à des jeunes de la Seine Saint Denis de bénéficier de formations en alternance rémunérées avec engagement à servir la collectivité durant un minimum d’années. Dans cette perspective, nous proposons de nouer au plus vite des partenariats avec les établissements d’Aubervilliers et de Neuilly-sur-Marne notamment.

 

Proposition 8

Au regard des difficultés de recrutements que nous rencontrons, nous demandons le maintien de salaire des agents de la collectivité qui souhaitent se former dans un métier dit « en tension » pour continuer d’exercer dans nos services.

 

Proposition 9

Nous demandons que soient établis des contrats pluri-annuels pour les jeunes majeurs comme cela se fait à Paris par exemple.

 

Proposition 10

Les besoins et les situations des enfants évoluent considérablement en termes de volume (nombre de MNA par exemple) et en caractéristiques (besoins de souplesse et d’adaptation dans les réponses apportées) tandis que les moyens financiers du Département sont grevés par la trop faible compensation des AIS, de la prise en charge des MNA et des politiques d’austérité.

Nous proposons d’inscrire le développementd’une offre d’accueil souple et modulable : accueil 72h, développement de l’accueil Etap’Ado, développement d’AEMO renforcées en partenariat avec la PJJ, …

 

Proposition 11

Les expériences montrent que la prise en charge dans des structures de type familial ou de petites unités permet de mieux répondre aux besoins des enfants concernés que le placement en institution.

A rebours de cette évolution souhaitable, le projet d'établissement du CDEF va entraîner une concentration de places dans des structures déjà existantes et la suppression de postes alors que le département manque de personnels.

Nous demandons donc un moratoire sur ce projet et une réflexion sur la création de petites unités et le développement d'offres d'accueils souples et modulables en fonction des besoins.

Nous proposons de faire réaliser par l'IGAS une évaluation du CDEF avant d’envisager un nouveau projet d’évolution élaboré de façon partenariale.

 

Proposition 12

L’article l. 112-3 du Code de l’Action Sociale et des Familles stipule que « La protection de l’enfance a pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge. »

Nous demandons que la vice-présidente déléguée à la Jeunesse soit associée au pilotage et au suivi du Schéma de prévention et protection de l'enfance.

 

Proposition 13

Depuis quelques années, la Direction de l’Enfance et de la Famille a vu plusieurs postes d’adjoints supprimés. Au regard de l’importance des missions de cette direction et des enjeux posés par le futur schéma et ces propositions, nous proposons  d’étoffer la DEF.

 

 

Nous avons enfin une liste de propositions de revendications à porter lors des Etats Généraux, et même avant.

Les Etats Généraux doivent mettre en avant cette volonté de permettre aux jeunes de Seine-Saint-Denis de bénéficier du même niveau d’« égalité de chances » que les autres jeunes, et exiger les moyens nécessaires à cet objectif.

 

Elles portent sur :

- le financement de la prise en charge des MNA et des contrats jeunes majeurs jusqu'à 21 ans

- la revalorisation du statut et des conditions de travail des Ass Fam

- la réaffirmation de notre opposition à l’utilisation du fichier biométrique introduit par la loi « Asile et Immigration ».

- l’enjeu de la judiciarisation des mesures et une exigence de moyens pour la justice.

- la revalorisation du métier d’éducateur et la révision de la convention de 1966

- les moyens pour une formation continue obligatoire pour les travailleurs sociaux

 

Après la présentation de nos propositions  qu'est ce qui peut déterminer nos votes ?

 

En premier lieu, nous vous avons fait des propositions écrites et vous nous avez répondu nous avons pris en compte une partie de vos réponses pour reformuler nos propositions.

 

Vous avez accepté d'indiquer que ce schéma est évolutif, nous vous proposons donc que vous inscriviez dans le schéma après la séance et après les Etats généraux les précisions sur lesquelles nous sommes d'accord et que nous discutions certains points qui font débat.

Comment voyez-vous cette inscription et quand ?

 

La deuxième question c'est le CEDF.

Nous partageons votre appréciation que l'on ne peut continuer ainsi mais plutôt que les propositions d'un cabinet d'audit nous proposons une inspection de l'IGAS qui nous permettra de comprendre ce qui ne fonctionne pas.

Nous n'avons trouvé personne chez les professionnels qui soutiennent le concept d'une structure aussi grande même si vous modifiez votre projet en évoquant des structures plus petites à l'intérieur du CEDEF. Nous vous renouvelons notre proposition d’un moratoire sur le projet d’établissement, et sur la fermeture de la Farandole, le temps de trouver une solution plus adaptée.

 

 

 

Commenter cet article