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Le blog de Pierre Laporte

Blog politique d'informations et d'échanges d'un élu conseiller départemental et maire-adjoint de Tremblay en France en Seine St Denis. Blog basé sur la démocratie participative. Chantier ouvert sur l'avenir de la Gauche.

Uranium du fort de Vaujours : un dialogue en totale fission (L'Humanité, 19 juin 2015)

Publié le 19 Juin 2015 par Pierre Laporte

Citoyens, associations et élus de Seine-et-Marne et de Seine-Saint-Denis maintiennent la pression pour l'application du principe de précaution, face à la destruction sauvage d'un ancien site d'essais nucléaires.

vendredi 19 juin 2015

Le fort de Vaujours, c'est avant tout l'histoire d'un mensonge d'état présumé et l'éloge d'une opacité savamment orchestrée. C'est ici, sur un ancien dépôt de munitions de l'armée allemande d'une trentaine d'hectares situé entre la Seine-Saint-Denis et la Seine-et-Marne, que le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) a procédé, durant près d'un demi-siècle, à des essais sollicitant l'utilisation d'uranium appauvri.

Fierté d'une France gaullienne encline à fermer les yeux sur les conséquences de la course au surarmement nucléaire (c'est au fort de Vaujours que le détonateur de la première bombe atomique française a vu le jour), le lieu a longtemps été l'objet d'inquiétudes. « Nous sommes nombreux à avoir vécu toutes ces années avec, au-dessus de nos têtes, des détonations dont on ignorait l'origine », confie Grégory Jurado, aujourd'hui conseiller municipal Front de gauche

à Courtry (Seine-et-Marne). « Mais quand le devenir du site s'est posé, en 1998, nous avons commencé à questionner, à chercher si toutes les conditions de sécurité sanitaire étaient requises. » Et là, surprise. En lieu et place d'un échange bienveillant entre institutions, élus et citoyens, les habitants subissent les foudres d'une communication rustique. C'est notamment

le CEA qui s'y colle. Les rapports garantissent le legs d'un site propre, -débarrassé de toutes formes de contamination à l'uranium appauvri.

Mais des expertises effectuées par différents laboratoires démontrent rapidement qu'il n'en est rien. Prises en étau, les préfectures compétentes décrètent une servitude d'utilité publique. «Déjà, à cette époque, l'état, propriétaire du site, laisse la porte ouverte à une exploitation commerciale », tempère Grégory Jurado. De fait, c'est Placoplatre, une filiale du groupe Saint-Gobain, qui s'en porte acquéreur en 2010. Avec succès. Elle projette de transformer les lieux en une carrière de gypse à ciel ouvert.

Pour les associations locales, la situation ne peut qu'empirer. « Est-il normal, judicieux et acceptable de laisser l'état français se défausser sur une entreprise privée pour assurer la

dépollution ? », questionne de nouveau l'élu Front de gauche. Péniblement et partiellement associée au processus d'information, la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) s'agace de la désinvolture des pouvoirs publics. Cette dernière procède, en février 2014, à de nouveaux contrôles qui révèlent la présence notable d'uranium. Un rendu qui va jusqu'à contredire ceux effectués par le très sérieux Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Inscrite dans cette légèreté militante, la réunion de la commission de suivi de site (CSS) du 5 mai 2015 met le feu aux poudres. Les associations invitées ne reçoivent pas le principal document de travail. « Il est impossible de se prononcer sur le dossier sans avoir accès à ce document », dénonce la Criirad. « La présentation orale que doit faire Placoplatre de son projet ne saurait remplacer l'accès au document ».

Toutes ces singularités interrogent Grégory Jurado sur les pratiques démocratiques qui entourent les sites naturellement consacrés à une décontamination réglementaire. « Les CSS sont des chambres d'enregistrement des décisions prises sans concertation », pointe-t-il.

« Avec de simples PowerPoint et face à l'intérêt national que représentent le plâtre et l'emploi, ils jouent avec la santé publique. » Pour compléter le tableau, l'Agence régionale de santé (ARS) dévoile un doublement des cas de cancers sur la population voisine du fort. Si rien ne prouve la causalité de ces données sanitaires pour qu'il y ait une moyenne, il faut aussi des valeurs supérieures , la levée du « secret défense », comme réclamée par les associations de riverains, permettrait de couper court à toute interprétation. Ce qui n'est, toujours selon Grégory Jurado, sûrement pas à l'ordre du jour : « En confiant l'avenir du site à un groupe industriel, l'état et le CEA se sont-ils interrogés ? Placoplatre va-t-il privilégier l'humain et la santé publique ou l'argent ? »

par Joseph Korda

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