A l’issue de la séance départementale au cours de laquelle Stéphane Troussel a été élu président du Conseil général en remplacement de Claude Bartolone, l’équipe du blog a interrogé Pierre Laporte, président du groupe « Front de Gauche » afin de recueillir son analyse du discours entendu.
Stéphane Troussel a annoncé une séance exceptionnelle le 13 septembre pour examiner la situation de PSA Aulnay à laquelle seront invités tous les conseillers généraux. Quelle va être la position du groupe à ce moment là ?
Pierre Laporte : Il faut tout d’abord rappeler que notre groupe est à l’initiative de cette séance exceptionnelle que nous avons demandée dès juillet. Car nous sommes très inquiets pour les salariés de PSA. Et les dernières déclarations d’Arnaud Montebourg ne risquent pas de nous rassurer : Entre son appel aux syndicats à être « responsables » et son apologie des compromis à l’université du MEDEF*, nous ne trouvons rien qui va dans le sens de ce que demandent les salariés en lutte de PSA. Lorsqu’on écoute le ministre ou encore les élus locaux PS, les salariés n’ont plus qu’à espérer une réindustrialisation du site et une éventuelle reconversion. Mais pas l’ombre d’une seule idée n’est encore définie pour cette « réindustrialisation » et on sait pour l’avoir malheureusement vérifié dans d’autres situations similaires que ça ne marche pas comme ça. Pour nous, la page de PSA Aulnay ne doit pas être tournée. Il s’agit de maintenir la production existante et, surtout, de préparer sa continuité avec un véritable projet d’avenir comportant des alternatives écologiques. Notre groupe luttera pour la continuité de la production de la C3 et la venue d’un nouveau véhicule propre. Nous sommes aux côtés des salariés et des syndicats dans ce combat et c’est bien ainsi que nous comptons nous positionner le 13, avec des propositions concrètes. L’objectif est de préserver le site avec tous ses emplois directs et indirects.
Concernant la situation financière du département, Stéphane Troussel semble vouloir se battre pour obtenir les moyens nécessaires pour sortir la Seine St Denis du marasme (On sait que l’Etat doit plus d’un milliard à la Seine St Denis en raison du transfert des charges non compensé). Il parle de la responsabilité de l’Etat mais ajoute « qu’il ne s’agit pas de se contenter de réclamer indéfiniment le solde du passé, mais d’obtenir des garanties pour l’avenir ». Qu’en pensez-vous ?
Pierre Laporte : D’un côté, il en appelle à la responsabilité de l’Etat mais d’un autre côté, il explique déjà en substance que l’Etat ne pourra rien, qu’il ne faut pas insister pour récupérer le milliard qui nous est dû et qu’il faudra imaginer des solutions sans lui. François Hollande l’a d’ailleurs bien exprimé dimanche soir en nous expliquant comment il allait retirer plus de 30 milliards d’euros de la circulation économique du pays. Ce sera des coupes budgétaires un peu partout (culture, administration, investissements…), le but étant toujours de récupérer de l’argent en réduisant le service public. Dans ce contexte d’austérité, notre groupe s’interroge : Comment ferons-nous sans moyens pour voter un budget respectueux des habitants et de leurs besoins ? D’autant que le gouvernement s’apprête à ratifier le traité européen de Merkel Sarkozy sans qu’aucune modification n’y ait été apportée. Et on sait que justement, ce traité imposera encore plus d’austérité aux collectivités locales et aux services publics. Comment dans ces conditions le Conseil général pourra-t-il imaginer des solutions pour améliorer ses finances et assurer à la population les services dont elle a besoin ? On ne peut pas vouloir et promettre le meilleur pour la Seine Saint Denis et voter en même temps un traité qui lui imposera l’austérité.
Mais Stéphane Troussel parle quand même de la péréquation entre les collectivités qui pourrait permettre de financer les allocations de solidarité. N’y êtes-vous pas favorables ?
Pierre Laporte : Si les péréquations (c'est-à-dire les redistributions, les répartitions) entre les collectivités de la région Ile de France peuvent être nécessaires et justes dans une certaine mesure, elles ne constituent pas la « solution miracle », loin de là. Et surtout dans le cas où ce fameux traité budgétaire européen serait ratifié puisqu’il imposerait de toutes façons la rigueur à toutes ces collectivités. Nous n’aurions alors plus que des miettes à nous répartir. Il faut être plus ambitieux : Plutôt que de compter seulement sur le versement des impôts locaux de nos voisins, nous voulons une réforme fiscale orientée vers la taxation des revenus financiers. C’est seulement grâce à cette juste redistribution des richesses que nous pourrons faire vivre la solidarité nationale nécessaire à nos concitoyens.
Dans le discours de Claude Bartolone et même dans le discours de Stéphane Troussel, il a été fait allusion au conservatisme des communistes, notamment concernant leur positionnement sur les partenariats public/privé. Quelle réponse pouvez-vous donner à cette remarque?
Pierre Laporte : Où est réellement le conservatisme ? Au PS ou au Front de Gauche ? Quand on persiste à utiliser les méthodes libérales pour gérer une collectivité alors même que ces méthodes sont inefficaces et prouvent jour après jour leur nocivité pour les populations partout dans le pays et en Europe, quand on ne veut surtout pas remettre en cause ce système absurde et envisager une véritable alternative, alors, oui, c’est du conservatisme. Ce n’est pas être innovant et moderne que de choisir la construction de collèges en partenariat public/privé ou encore de conclure un mécénat avec BNP Paribas pour financer des voyages pour les collégiens. Ce système de partenariat public/privé date de plus de 20 ans en Angleterre ou au canada et ces pays réalisent aujourd’hui que ce choix leur a coûté très cher et le remettent en cause ! Poursuivre de tels procédés, c’est simplement continuer d’accompagner docilement le libéralisme avec ses logiques de profit, au détriment du service public et de l’humain. Avec le Front de Gauche, notre groupe porte une vraie alternative pour la société.
Stéphane Troussel veut ouvrir un large débat sur les 4 grands projets du département : projet éducatif, projet social, projet d’écologie urbaine, projet d’aménagement et de développement métropolitain. Quel va être l’apport de votre groupe dans ces discussions ?
Pierre Laporte : Cela fait longtemps que nous réclamons à la présidence une plus grande concertation au sein de sa majorité. Cette position de Stéphane Troussel va dans le bon sens et nous espérons qu’elle se concrétisera. Nous souhaitons être réellement associés à la réflexion autour de ces 4 projets importants, plus que nous ne l’avons malheureusement été jusqu’ici. Nous avons des choses à dire, des propositions concrètes à formuler sur tous ces sujets.
Dans les prochaines semaines, Stéphane Troussel va organiser aussi une concertation à propos de l’acte III de la décentralisation et du rôle du Conseil général. Qu’avez-vous à proposer de votre côté ?
Pierre Laporte : Encore une fois, c’est une bonne initiative. Tout d’abord, cet acte III de la décentralisation doit s’accompagner d’une réforme fiscale profonde qui permette une juste répartition des richesses. C’est seulement à cette condition que nos services publics pourront fonctionner efficacement et que la vie des gens en sera facilitée. Ensuite, nous souhaitons que tout ce qui relève de la solidarité nationale revienne dans le giron de l’Etat (RSA, Allocation personnes âgées, prestation de compensation du handicap). Enfin, un Conseil général devrait pouvoir agir au-delà de ses compétences obligatoires, en fonction des besoins de son territoire et de ses habitants. C’est pourquoi nous plaidons pour un maintien de la clause de compétence générale.
* Arnaud Montebourg : « Est-ce qu’on ne peut pas faire gouverner ensemble le travail et le capital ? Prenez la proposition qui vous paraît le plus inacceptable dans les revendications de la CGT ! Et à eux, je dis : prenez la revendication la plus insupportable à vos yeux dans le programme du MEDEF ! Commençons à discuter ! Il y aura des compromis où nous sommes tous gagnants… ».